Les Jazzettes #9 : Silence on tourne !

Je vous propose une petite expérience, un temps de silence. Installez-vous confortablement, dans une pièce calme si possible, mettez votre téléphone en silencieux, lancez un chronomètre de 1 minute, et écoutez le silence.


Photo by Kristina Flour on Unsplash

Que s’est-il passé pour vous pendant cette minute ? Quelles sensations avez-vous eues ? Quelles impressions vous ont laissé ce temps ? Qu’avez-vous entendu ?

Lorsque je me pose en silence, sans mon téléphone, sans livre, sans aucune occupation, j’entends tous les bruits ambiants. Les bruits de travaux, des voisins, des avions qui passent, des ambulances, et parfois des oiseaux.

Le silence pour écouter

Vous souvenez-vous du premier confinement et de ces images de villes désertes ? Je me rappelle des témoignages d’habitants redécouvrant la nature et le bruit des oiseaux, des animaux se promenant sur les routes.

Il y a cette idée que le silence permet d’écouter d’autres bruits, qui étaient inaudibles avant.

Le silence des voitures a laissé la place aux bruits des oiseaux.

Y a-t-il d’autres contextes où le silence permet d’écouter ? Qu’en est-il de l’environnement de travail ?

Prenons l’exemple des réunions. Y a-t-il des temps de silence ? Quel intérêt aurait le silence dans les réunions ?

Les souvenirs que j’ai des réunions me renvoient une image de discussions sans fin, de débats, d’interruptions, avec souvent les mêmes personnes qui prennent la parole, un certain manque d’écoute, et une impatience de parler ou d’en finir.

Et s’il y avait plus de silence ? Le silence entre les prises de parole permettrait de prendre le temps de bien écouter et comprendre ce qui a été dit, de s’assurer que la personne a bien terminé son intervention, de laisser l’opportunité à tous de parler, sans s’interrompre.

Le silence permet d’observer avec tous ses sens : écouter, voir, sentir.

Le silence pour laisser la place

Lors de la dernière bulle d’air, le sujet des mails et des outils de discussions en ligne a été abordé. L’abondance des informations et des canaux de discussion peut nous submerger. Avec le travail à distance, ces communications se sont intensifiées.

Comment faire son travail, avec des temps de concentration, tout en étant sollicité de toute part par tous ces messages ?

J’ai longtemps cru qu’il était préférable d’envoyer un message Slack plutôt que d’aller voir la personne même si elle est en face de moi. J’évite ainsi d’interrompre la personne si elle est concentrée sur son travail. Comme si mon message ne générait pas une interruption. Si les notifications sont toutes désactivées, alors c’est peut-être le cas. Mais mon message s’accumule dans la pile de messages à traiter, ce qui peut créer ensuite une charge de travail pour s’y retrouver, lire, répondre.

En fait, les outils de messagerie permettent l’envoi de messages, sans se demander si les destinataires sont disponibles pour y répondre. Ou même s’ils sont réceptifs à cette demande. Peut-être que ça ne les intéresse même pas. Ils reçoivent tous ces messages sans avoir leur mot à dire.

Les messageries en ligne créent du bruit, demandent de l’attention.

Alors, comment diminuer toutes ces communications et libérer de la place ?

Il y a une certaine loi de la réciprocité dans les échanges qui fait que plus vous écrivez d’emails, plus vous en recevez, et la qualité de vos écrits déterminera la qualité des réponses. Si vous répondez en quelques minutes aux messages reçus, l’interlocuteur va s’attendre à ce que vous soyez aussi réactif les prochaines fois. Si vous écrivez vos réponses très rapidement, sans prendre le temps de bien comprendre le message, vos interlocuteurs ne feront pas mieux que vous.

Cela revient à commencer par soi. Diminuer ses propres envois de messages, se demander si son message est pertinent pour les destinataires, s’il peut attendre un autre moment, s’il contient les informations les plus essentielles, s’il est facilement actionnable.

Le silence en rythme

Dans la musique, il n’y a pas que des sons et des notes jouées. Il y a aussi du silence. Dans le solfège, le silence est représenté par des pauses et des soupirs, ayant différents symboles suivant leur durée. Le silence fait intégralement partie de la musique.

Dans notre quotidien, il est possible d’avoir un rythme alternant les temps de communication et ceux de silence.

Dans son article, que j’ai déjà partagé dans de précédentes publications, Alexandre nous raconte comment dans sa startup montréalaise entre 2000 et 2003, il avait instauré avec son équipe des plages horaires pour organiser leurs journées :

  • 7h30 - 10h : arrivée en fonction du rythme de chacun, petit-déj, réunion rapide d’équipe
  • 10h - 12h : temps de focus, silence complet dans les bureaux.
  • 12h - 14h : déjeuner, temps de convivialité, sport ou sieste pour certains, temps libre.
  • 14h - 16h : nouveau temps de focus, toujours en silence.
  • 16h - 17h : sessions de travail d’équipe, réunions de conception au tableau, mise en commun.
  • 17h - 18h : annonce générale des fondateurs sur le business si besoin, pouvant être reporté au lendemain si certains doivent partir.
  • à partir de 18h : fin de journée, temps libre pour tous, temps de convivialité.

J’aime beaucoup cette idée de rythme, alternant des temps de concentration, des sessions de travail d’équipe, les annonces et communications, et des temps libres.

Cela permet à chacun de s’y retrouver. Ceux qui ont besoin de silence pour se concentrer, ceux qui ont besoin de communiquer, de travailler en équipe, d’avoir des moments conviviaux. Nous avons chacun et chacune des façons de travailler et des besoins différents.

Comment cela résonne pour vous ? Quelle place a le silence dans votre quotidien ?

Pour aller plus loin

Livre : “Unsubscribe : How to Kill Email Anxiety, Avoid Distractions, and Get Real Work Done”, par Jocelyn K. Glei

Musique : “Enjoy the Silence”, de Depeche Mode.