Cela fait maintenant deux ans que j’ai quitté le monde du travail salarié pour réaliser mon souhait d’entreprendre, pour voler de mes propres ailes. Je voulais essayer au moins une fois pour ne pas le regretter plus tard. Je sentais que mon travail ne me suffisait pas, que je voulais faire plus, ne pas être limitée par mon métier et mon rôle dans une organisation.
Arrive le moment de me poser cette question : et maintenant ? Où est-ce que j’en suis ? À quoi est-ce que je souhaite contribuer ?
Deux ans d’exploration, d’essais, de lecture, d’écriture, de réflexion, d’observation, de dialogues. Beaucoup de richesse, plus que je n’imaginais.
Ce temps a laissé émerger de nombreuses questions, auxquelles je trouve quelques éléments de réponse, et qui souvent m’amènent de nouvelles questions.
La situation actuelle du monde m’interroge : où est-ce qu’on va, en tant que société ?
L’avenir semble très sombre, et pourtant, le travail continue, sans réelle corrélation avec les enjeux sociétaux.
Dans ce contexte, je sens le besoin de me poser des questions fondamentales et auxquelles je ne trouverai peut-être jamais de réponse. Des questions sur la vie, sa signification, son origine, des questions sur le temps, sur la liberté. Des sujets qui peuvent sembler trop compliqués, trop “existentiels”.
Les questionnes dites existentielles ont je crois la réputation d’être trop difficiles à aborder, alors on en parle assez peu. Et pourtant, ces questions me semblent fondamentales. Je ne me vois pas passer ma vie sans me les poser.
Et je ne me vois pas y réfléchir uniquement seule, dans mon coin, comme si j’allais trouver des réponses en m’isolant du monde. Je vois la valeur d’avoir du temps pour moi pour réfléchir, et je vois aussi une grande valeur à avoir des espaces de réflexion collective, en groupe.
Il m’arrive de douter, de me demander si je ne ferais pas mieux de postuler à un poste qui me permettrait de m’assurer un salaire régulier, et d’arrêter de me poser trop de questions. Mais pour moi, ce serait refuser de vivre pleinement ma vie, la vie, pour me contenter d’un quotidien pratique et confortable. Et à ce moment-là, j’arrive à réaliser toute la puissance de me sentir vivante, d’avoir une existence unique et qui se suffit à elle-même. Je n’ai pas à gagner ma vie, c’est déjà fait, j’existe.
Une grande partie de mon exploration consiste à essayer de mieux comprendre le monde, comment il fonctionne, comment l’être humain fonctionne. Le monde est tel que je le vois, alors ça commence par me poser ces questions : quelles sont mes croyances et mes suppositions ? Quel est mon conditionnement ? À travers quelles lunettes est-ce que je vois le monde ? Je me rends compte que la plupart du temps, j’élabore des idées et des opinions sur le monde, sans me demander ce qui les influence, sans réfléchir à mon système de pensée qui est à l’origine de ces idées.
On dit que pour changer le monde, il faut d’abord se changer soi. J’approuve, mais cela ne me suffit pas. Je lis des philosophes, des scientifiques, des penseurs, des thérapeutes, des personnes qui semblent avoir fait ce processus de transformation intérieure. Mais lorsque je regarde le monde, je ne le vois pas particulièrement transformé. Il est probable qu’en me transformant moi, j’aurais une vie différente, j’aurais une petite influence sur mon entourage, j’accomplirais des actions justes. Mais est-ce que cela va vraiment changer le monde ? J’en doute.
Alors j’en suis là, l’état du monde me désespère, je suis triste de marcher sur du béton, de voir aussi peu d’arbres, quelques rares animaux sauvages, de voir des oiseaux picorer sur les trottoirs et les routes, de respirer de la pollution, d’entendre tous ces bruits de voitures et de construction. Même à la campagne ou dans les forêts, j’entends le bruit distant des voitures. Il est presque impossible de trouver un espace naturel à l’état vierge et cela me rend profondément triste.
Je ne veux pas d’un monde dans lequel chaque personne doit se débrouiller seule pour subvenir à ses besoins vitaux, où la mesure du succès est principalement financière, où il s’agit de trouver un travail rémunéré, même s’il ne produit aucune valeur, voir détériore le monde. La contribution n’est pas mesurée par son impact, mais par sa valeur monétaire.
Je refuse de travailler sur des projets destructeurs de la vie, et je m’interroge sur les personnes qui acceptent de le faire. On pointe du doigt les grands dirigeants et les dictateurs qui donnent des ordres, mais il y a des personnes qui les exécutent. La puissance des dirigeants n’est rien sans l’obéissance et la collaboration du monde.
Or l’obéissance s’apprend dès le plus jeune âge, avec les parents, à l’école. Peut-être serait-il temps d’apprendre à désobéir ?
J’aimerais pouvoir parler plus souvent de ces sujets avec mon entourage, avec les personnes que je rencontre, et ne pas me contenter d’avoir des échanges polis et superficiels. Les ateliers et cercles de parole auxquels je participe me font beaucoup de bien, et je compte bien continuer à en organiser.
Pour le moment c’est ma principale piste, participer à des dialogues, pour apprendre à réfléchir en groupe, à écouter sans juger, s’ouvrir à d’autres perspectives.
J’ai découvert récemment cette chanson, qui est basée sur un essai écrit par l’écrivain suédois Stig Dagerman : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier.
C’est un texte très riche que j’ai déjà relu et que je relirais encore. Je retiens particulièrement cet extrait :
“ Selon moi, une sorte de liberté est perdue pour toujours ou pour longtemps. C'est la liberté qui vient de la capacité de posséder son propre élément. Le poisson possède le sien, de même que l'oiseau et que l'animal terrestre. Thoreau avait encore la forêt de Walden - mais où est maintenant la forêt où l'être humain puisse prouver qu'il est possible de vivre en liberté en dehors des formes figées de la société ? ”
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