J’ai récemment participé à un atelier d’une journée intitulé « ‘En-quête’ de cohérence personnelle ». La salle était très vaste, avec des sièges en forme de hamacs suspendus tout autour laissant un grand espace vide au milieu. Une fois les participants réunis et installés, il s’est passé un assez long temps de silence. Rien, aucune phrase d’introduction à l’atelier, ni d’explications sur le déroulé. L’organisateur était assis comme nous, en silence.
Ce temps, qui m’a paru durer une heure, était très riche en réflexions intérieures. Je ne me souviens plus des détails, mais je me suis dit que c’était la meilleure introduction à un atelier, je ne voulais même plus que ça s’arrête. Un moment donné, ma réflexion m’a amené à cette question : quand est-ce que ça commence ?
Est-ce que ça commence quand quelqu’un dit que ça commence ? Quand c’est l’heure prévue ? Quand tous les participants sont réunis ? Quand une personne en charge de la réunion prend la parole ? Que se passe-t-il avant que ça commence ? Est-ce que je suis en attente ?
Dans le cas précis de cet atelier, est-ce que ça a commencé au moment où je suis entrée dans la salle ? Ou quand j’ai pris le bus pour y aller ? Ou quand je me suis inscrite à l’atelier ?
Après le long temps de silence, un participant a pris la parole. Est-ce seulement à ce moment-là que ça a commencé ? Pourtant, il s’est passé beaucoup de choses pendant ce temps de silence.
Et si ça avait déjà commencé ? C’est comme si j’attendais en coulisse que la scène démarre avant de me rendre compte que je suis déjà sur scène. Il n’y a pas de coulisses, il n’y a pas d’entracte, la scène est déjà démarrée.
Tout instant me semble d’un coup avoir beaucoup de valeur. Je me sens plus attentive à ce qui m’entoure, plus présente. C’est comme si je me réveillais.
Cela fait une grande différence, et cela veut dire que le reste du temps, je pouvais vivre un peu dans les coulisses, en train de me préparer, ou d’attendre qu’un évènement ou quelqu’un m’invite sur scène.
Avec l’habitude moderne de mesurer le temps, je pouvais souvent attendre qu’une date précise arrive. Mon anniversaire, mes dix-huit ans, mes examens, mes résultats, des réponses à mes démarches … Tous ces moments, à faire passer, comme s’ils allaient être coupés au montage, comme s’ils ne faisait pas partie de la scène.
À l’échelle de ma vie, on pourrait dire que tout a commencé quand je suis née. J’ai une date de naissance précise, mon identité existe à partir de cet instant. Pourtant, ma vie a démarré plusieurs mois avant. Et ma vie n’a pu exister que parce que mes ancêtres ont vécu, et ainsi de suite. Je pourrais toujours remonter à un moment “avant” le début.
En fait, tout a déjà commencé. C’est comme une scène infinie, sur laquelle le monde défile sans que ça ne s’arrête. Et s’il n’y a pas de début, alors il n’y aurait pas de fin.
La chanson “Silence”, de Fred Pellerin, qui a été jouée au début de l’atelier.