Les Jazzettes #17 : Ce qui arrive est la meilleure chose qui peut arriver

En ce moment, j’ai beaucoup de temps libre. Il y a quelque temps, et depuis longtemps, je me mettais une certaine pression à m’occuper, à faire avancer mes projets, à faire des choses, une journée devant toujours être suffisamment bien employée, sinon je “perdais” du temps. Je devais apprendre, écrire, développer un service, rencontrer de nouvelles personnes, trouver des clients … Beaucoup de devoirs au final, motivés par l’idée que ma vie devrait ressembler à une certaine image.

Vous la connaissez cette image de réussite, de vie joyeuse, alignée, inspirante, celle que l’on voit chez d’autres, des personnes qu’on admire, qui ont marqué l’histoire, ou qui ont des milliers fans sur les réseaux sociaux ? Celle qui nous attriste lorsqu’elle semble éloignée de notre vie, celle qui nous fait envie, qui nous fait rêver.

Depuis que j’ai commencé à entreprendre, un rêve que je voulais réaliser, je me rends compte que j’essaye de coller à une image d’entrepreneure qui réussi, une image que je cherche à enrichir par mes errances sur les médias et réseaux sociaux, en recherchant d’autres entrepreneurs qui m’inspirent.

Et finalement, je me retrouvais à passer plus de temps à créer cette image que de vivre ma vie telle qu’elle se présente.

Une quête perpétuelle

“La vie devrait être simple, joyeuse, stable, juste, passionnante …”

“La vie ne devrait pas être triste, effrayante, instable, injuste, ennuyeuse …”

Chaque personne peut avoir une image de ce à quoi la vie devrait ressembler, et s’efforcer d’atteindre son idéal de vie, par le travail, les études, le développement personnel, la spiritualité. Il faudrait dépenser beaucoup de temps et d’énergie à atteindre des objectifs, pour passer d’un état A, considéré comme insatisfaisant ou incomplet, à un état B meilleur. La vie serait comme un jeu avec des niveaux à franchir, des étapes à atteindre.

Ce jeu se base sur l’idée de départ que la vie présente, telle qu’elle est à cet instant, n’est pas assez bien, qu’il manque quelque chose, que quelque chose ne va pas, que la personne que je suis pourrait être encore meilleure, et que j’aurais intérêt à m’améliorer et à progresser pour réussir.

Ce jeu est une quête perpétuelle, car cette marge de progression existera toujours. Le présent ne correspondra jamais exactement à l’image que je m’en ferais, et même si j’atteins mes objectifs, j’en aurais toujours des nouveaux, ou je m’efforcerais de ne pas perdre ce que j’aurais gagné (bien souvent en essayant de gagner plus).

Mon quotidien pourrait ainsi ressembler à une course vers le futur, je me dépêcherais de faire tout ce que je dois faire, une longue liste de tâches que je n’arriverais peut-être jamais à terminer, et je me désolerais de ne toujours pas y arriver, de ne pas conformer la réalité à l’image que je m’en fais. Mon dialogue intérieur serait plein de critiques, de reproches, de “ça ne devrait pas se passer comme ça”, “je devrais faire mieux que ça”, “qu’est-ce qui cloche avec moi”, “ce n’est pas ce qui était prévu”, jusqu’au “c’est nul”, “ma vie est un désastre”.

Dans tous ces moments, je ne savoure pas la vie que j’ai, telle qu’elle est, sans jugement, sans rien rejeter.

Et dans ces moments, je cherche à corriger mes erreurs ou mes défauts, à apprendre des astuces, à suivre des recettes promettant d’atteindre l’état que je recherche. “Tout le monde peut y arriver”, m’a-t-on promis, il suffit de faire des efforts, d’être persévérante, de se faire aider, de se former, d’y croire …

Cette quête, promettant d’arriver ailleurs, un ailleurs bien meilleur qu’ici, ne me permettra jamais de considérer “ici” comme la seule réalité qui existe (et finalement la meilleure).

Ce qui arrive est la meilleure chose qui peut arriver

Accepter la réalité, telle qu’elle est, sans rien rejeter. C’est considérer tout ce qui arrive comme faisant partie de l’expérience. C’est ouvrir la porte et accueillir toutes ses pensées et émotions, comme dans une grande maison, dans laquelle il y aura toujours de la place.

Il n’y a pas d’opposition entre une bonne expérience et une mauvaise expérience. Tout fait partie de la réalité, le bon et le mauvais. Ce qui fait la différence, c’est notre capacité d’accueil : savourer nos joies et nos victoires, faire face à nos peurs, ressentir notre tristesse et leur faire de la place sans les considérer comme indésirables.

Ainsi, il ne s’agit plus de faire des efforts en vue de surmonter ses peurs, dépasser ses blocages, s’améliorer, devenir une meilleure version de soi. Accepter sa vie telle qu’elle est maintenant, s’accepter entièrement sans rien rejeter, cela permet de s’ouvrir à toutes les possibilités. La meilleure version de soi-même est déjà là, prête à être accueillie.

Je pense que cette réflexion peut être centrale dans notre rapport au temps, aux autres, et à soi. Qu’est-ce qui motive mes actions ? Est-ce le besoin d’être acceptée par les autres ? Est-ce un désir de combler un manque ? Qu’est-ce qui m’empêche d’accepter la vie que j’ai dès maintenant ? Quelle résistance je sens à cette idée ? Quel accueil je fais à mes émotions ? À quoi ressemble ma maison intérieure ?

Inspirations

Le livre “Falling In Love With Where You Are”, écrit par Jeff foster. Je l’ai lu en anglais, il existe une version française. Je l’ai terminé en assez peu de temps, mais je vais souvent relire des passages. J’aime beaucoup sa représentation de “maison” (“home”), et l’idée que nous sommes une maison dans laquelle nous accueillons tout ce qui nous arrive, toutes nos pensées et nos émotions.

Le principe “Ce qui arrive est la meilleure chose qui peut arriver” vient des forums ouverts, en particulier de l’Agile Open France, un évènement important auquel je participe depuis quelques années (vivement la prochaine édition de janvier !). Ses principes ne cessent de me surprendre.

Musique “To Build A Home”, The Cinematic Orchestra avec Patrick Watson