Je suis des blogs et fais partie de communautés d’entrepreneurs, et je vois assez souvent passer des offres de coaching ou de formation, toujours présentés en suivant cette structure :
C’est parfois même présenté comme un cadeau, alors que c’est quand même payant. J’en ai reçu une récemment qui m’a inspiré cette publication, car pour la première fois, je voyais très clairement cette structure et j’ai ressenti une certaine pression visant à m’imposer un rythme qui n’était pas le mien. Car cette échéance est bien imposée de l’extérieur. Après la fin de la vente, c’est trop tard, et j’aurai manqué, peut-être pour toujours, une occasion unique d’apprentissage.
Le syndrome FOMO vient de l’anglais Fear of Missing Out, c’est-à-dire la peur de manquer une occasion. Défini comme une anxiété sociale, il peut se traduire par le besoin constant de rester connecté, d’avoir accès aux informations importantes, d’être au courant des opportunités à ne pas manquer.
Je l’observe dans une certaine mesure chez moi, lorsque je pars en voyage, et que je me mets à chercher les plus beaux endroits à visiter, les évènements locaux, les meilleurs restaurants. Plus la durée de mon séjour est courte, plus je fais des recherches pour avoir la meilleure expérience possible. Et pourtant je ne me considérais pas particulièrement atteinte de FOMO, parce que je ne ressens pas de peur en tant que telle.
Je pense que le terme peur est assez fort et peut donner cette fausse impression. “Moi touchée par le FOMO ? Mais non, je n’ai pas peur du tout, j’aime seulement avoir de belles expériences. Après tout, ça serait dommage de rater des occasions quand un peu de recherches en ligne peuvent me renseigner en avance”. C’est à peu près le genre de discours que j’avais, et que j’ai déjà entendu autour de moi. Ce n’est pas tant la peur qui est perçue, mais plus une sorte d’enthousiasme pour faire des choses intéressantes.
Et pourtant, cela revient au même. Il y a cette exigence, voir ce besoin, de ne pas rater des occasions, que ce soit dans son quotidien, au travail, ou durant ses vacances. Le temps est compté, et il s’agit de bien l’occuper pour en tirer le maximum.
Les techniques de marketing modernes en sont bien conscientes. Vous pouvez l’observer dans toutes les offres promotionnelles, avec des messages “A ne pas manquer”, les ventes privées, les éditions limitées.
Il y a quelques mois, j’ai justement acheté un abonnement à une formation en ligne, me donnant accès à un grand nombre de vidéos, des exercices à faire à mon rythme sur plusieurs mois, présenté comme une édition limitée valant beaucoup plus cher que le prix proposé. Bien sûr il fallait s’abonner avant une certaine échéance, après les ventes sont closes. Depuis mon achat, j’ai du regarder deux vidéos. Et je me suis efforcée de le faire surtout parce que j’avais fait cet investissement.
Sans vouloir dénigrer l’offre, qui est peut-être très bien construite, cette façon de la promouvoir comme une édition limitée me met à la fois une pression temporelle pour y souscrire, donc m’impose un temps qui n’est pas le mien, et agit sur ma peur de rater une occasion qui ne se représenterait pas dans le futur.
Avant chacun de mes voyages, que ce soit en train ou en avion, j’ai toujours cette peur d’arriver en retard et de rater le départ. Je fais régulièrement des rêves dans lesquels je suis en retard, je mets du temps à me préparer, je rate un rendez-vous, et d’autres personnes m’attendent.
La peur de rater et la peur du retard semblent se rejoindre. Lorsque je rate une opportunité, je suis en retard. Lorsque je manque un examen, je passe des rattrapages, ou je redouble mon année, ce qui me met en retard dans mon cursus. Lorsque je rate mon train, je suis en retard sur mon calendrier et je dois attendre le train suivant.
Pourtant, ce retard vient d’un temps déterminé de l’extérieur. L’heure du train est fixée par la compagnie ferroviaire. La date de mon examen est définie par mon école. Les échéances au travail sont fixées par mes managers. Toutes ces dates sont prévues d’avance, et il ne tiendrait qu’à moi de m’y préparer, de bien m’organiser, et de faire de mon mieux pour les respecter. Si je n’y arrive pas, je suis en retard.
Au travail, les échéances créent un stress chez les employés du fait de cette angoisse du retard. C’est même une stratégie de management, que d’imposer des “deadlines” pour motiver les troupes. Des dates n’ayant aucune réalité à part celle de mettre une pression sur les employés pour qu’ils travaillent plus vite.
Certaines personnes disent être habituées de fonctionner sous pression, et si elles n’ont pas d’échéances, elles vont prendre leur temps et ne seront pas efficaces. En faites-vous partie ? Je trouve cette idée intéressante, comme si le fait de prendre son temps serait une mauvaise pratique, et qu’une pression extérieure serait la bienvenue. Le travail sous pression serait ainsi préférable au suivi de son propre rythme. L’efficacité avant tout, pourvu que l’on ne soit pas en retard.
Qu’est-ce que “le temps mort” ? À première vue, ce serait un temps où il ne se passe rien. Le contraire du temps bien investi, efficace, et qui serait lui “vivant”.
Je viens de finir le livre “Éloge du retard” écrit par Hélène L’Heuillet, et elle y développe un point de vue bien différent : le temps mort est celui que l’on occupe et qui permet de ne pas le voir passer. On dit d’ailleurs : “tuer le temps”. Au contraire du temps vivant, qui est celui que l’on sent passer, celui où l’on ne fait rien, un temps de contemplation, de réflexion, de créativité, un temps qui représente la vie.
Ainsi, lorsque j’occupe mon temps, avec des tâches diverses, la liste pouvant être longue, je ne vis pas le temps. Et lorsque je n’ai pas de tâche à faire, je peux me distraire en regardant la télé ou les réseaux sociaux, qui me permettent de faire passer le temps sans y penser. “Le temps passe trop vite”, “Je n’ai pas vu le temps passer” sont des phrases assez courantes que j’entends et que j’ai déjà prononcées.
Voir le temps passer, c’est se confronter à sa propre fin, et cela peut être angoissant. Lorsque je me pose, et que je mesure le temps qui passe, je peux réfléchir à mes choix de vie, me demander où j’en suis, est-ce que je me sens bien. Des réflexions essentielles, qui peuvent facilement passer à la trappe dans un emploi du temps bien chargé.
D’après Hélène L’Heuillet, s’installer dans le temps c’est être en retard. Lire un livre, par exemple, exige de prendre un certain temps et d’être ainsi “en retard”. Lisez-vous des livres ? Peut-être aimez vous lire, mais vous n’avez pas le temps ? Il existe d’ailleurs des techniques pour lire plus rapidement des livres, ou des résumés en vidéo. Les articles de blog ou de newsletter peuvent être préférés aux livres, car ils se lisent plus vite, et n’exigent pas de s’installer dans le temps.
L’éloge du retard est une invitation à se réapproprier son temps. Lorsque je prends mon temps, je le sens passer. Personne ne m’impose une échéance ou un délai à respecter, je suis mon propre rythme.
La peur de manquer des occasions vient m’inciter à prendre de multiples engagements, et l’angoisse du retard m’empêcher de m’installer dans le temps. L’impression du temps qui passe trop vite viendrait ainsi du manque de temps “vivant”, du temps dans lequel je m’installe et que je sens passer.
Le livre “Éloge du retard” écrit par Hélène L’Heuillet.
L’épisode du Podcast “Le bon tempo” consacré au livre : Eloge du retard - #13 avec Hélène L'Heuillet
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