Les Jazzettes #1 : Laisser de l'oxygène

J’ai lu un article récemment d’une newsletter où l’auteur nous informe de la quantité de temps perdu à lire des livres de non-fiction. Le titre exact : “Combien de temps avez-vous perdu à lire l'an dernier ?”. La thèse est basée sur les fameux 10% qu’on retient lorsqu’on lit, 90% des informations étant perdues. Avec un simple calcul, nous pouvons donc estimer le temps “perdu” à lire des livres basés sur le nombre total de livres qu’on lit.

L’auteur fait ensuite la promotion de sa méthode pour retenir plus d’information, allant jusqu’à 50%, et ainsi perdre moins de temps, même si on en perd quand même. Il invite aussi à rejoindre un club pour arrêter de “perdre du temps” en lisant de la non-fiction.

Je me suis désabonnée de la newsletter.

C’est exactement ce genre de réflexion autour du gain et de la perte de temps, cette course à l’optimisation, et cette injonction à la performance qui m’ont amenée à me lancer sur le projet Jazz, et c’est un parfait sujet pour le premier article de la newsletter “Les Jazzettes”.

C’est la course !

Brussels marathon runners, by Mārtiņš Zemlickis on Unsplash

Est-ce qu’il vous arrive de dire cette phrase ? C’est une de celles que j’ai le plus entendues lors de mes récentes interviews, et je l’avais déjà remarqué chez des personnes de mon entourage, principalement des parents de jeunes enfants. Même le weekend, le temps est compté, entre les courses au supermarché, le ménage, les loisirs, s’occuper des enfants, en plus de toutes ces choses accumulées qu’on n’a pas le temps de faire en semaine.

Le temps long

“Rien ne sert de courir ; il faut partir à point”, célèbre vers de la fable de Lafontaine le lièvre et de la tortue.

Pour moi, cette phrase souligne l’importance de choisir le bon moment et de prendre le temps nécessaire pour réaliser une action avec succès.

Où est passé ce temps long ? Dans notre ère moderne, l’instantané est prédominant. Depuis la nourriture cuite au micro-ondes et les fast foods, à la formulation “asap” que les managers ajoutent à leurs demandes. Les communications sont instantanées, nos téléphones nous alertent à la moindre information nouvelle. Plus la peine de feuilleter un dictionnaire ou une encyclopédie, quasiment tout peut être recherché en temps réel sur Internet. Il n’y a presque plus de place à l’attente et à la patience, tout est disponible très rapidement.

Et pourtant, ces avancées technologiques qui auraient dû nous permettre de “gagner du temps”, nous enferment dans un rythme de plus en plus rapide jusqu’à l’insoutenable, où le temps libre n’existe plus.

Dans le livre “Slow Business”, j’ai appris la notion de Kairos, un concept grec ancien, qui se rapproche de l’opportunité. C’est cette idée du moment opportun pour agir qui est liée à l’intuition, à un concours de circonstances, et relève d’une certaine magie. Lorsqu’on arrive à saisir ce bon moment pour faire la bonne chose, c’est le Kairos.

Réfléchir avant d’agir

Photo by Michal Vrba on Unsplash

Dans l'entrepreneuriat, notamment dans l’univers des startup Tech, j’entends souvent parler de l’importance de faire des actions, de prendre des décisions rapidement, quitte à en prendre des mauvaises, car c’est en se trompant qu’on apprend. Il est possible d’en faire une démonstration mathématique en comparant une personne qui prend peu de décisions, mais qui se trompe rarement à une autre qui se trompe souvent, mais qui prend beaucoup plus de décisions, et sans surprise, cette dernière finit par avoir pris plus de bonnes décisions que la première.

Où est passée cette idée de prendre le temps avant d’agir, qui pourtant relève des plus anciennes sagesses ? Personnellement, je préfère prendre mon temps, quitte à faire moins de choses, mais bien choisir mes actions pour avoir le plus d’impact. J’ai beaucoup de mal avec le concept de “get things done”, qui consisterait à faire des choses, peu importe lesquelles, sans se poser trop de questions, du moment qu’on les fait jusqu’au bout. C’est le rêve de l’humain-machine, toujours performant, au top, qui fait les choses attendues à temps, sans trop se fatiguer. Je vois régulièrement passer des offres d’emploi dans lesquelles ces exigences de performance constante y figurent.

Polarités et équilibre

Photo by Leonardo Iheme on Unsplash

Temps long et temps court, réfléchir et agir. C’est finalement une question d’équilibre à trouver entre ces deux polarités. En passant trop de temps sur l’une, l’autre est négligée.

Si mon agenda est rempli à 100%, non seulement je risque de me sentir pressée et débordée, le moindre imprévu menaçant tout mon planning, mais en plus je n’aurai aucun moment de libre pour réfléchir, m’inspirer, avoir de nouvelles idées.  

Si mon organisation consiste principalement à dépiler les tâches les plus urgentes, être tout le temps disponible et donc me faire interrompre régulièrement, lire mes mails et répondre dès qu’ils arrivent, il ne reste plus de temps pour faire du travail de fond et faire avancer des projets qui se situent à long terme.

Alors, comment avoir à la fois du temps pour avancer sur les sujets du moment, et rester ouvert à de nouvelles idées ? Et si on a des idées, comment les prioriser et y consacrer du temps afin de les concrétiser ?

Comment réintroduire cette notion de temps long, dans notre quotidien ?

Laisser de l’oxygène

Une première idée serait de se dégager d’abord de l’espace et du temps libre. De laisser de l’oxygène dans ses journées. Cela revient à laisser volontairement du vide dans son agenda, se donner une chance d’avoir du temps libre. Se donner régulièrement du temps pour réfléchir, se reposer, laisser décanter les informations, se déconnecter.

Cela parait-il utopique, ou impensable dans un quotidien dédié à la performance ? Et pourtant, durant ces temps d’oisiveté, notre cerveau traite les informations apprises, anticipe des problèmes, imagine des solutions. C’est donc en se reposant qu’on augmente sa créativité, sa réactivité et en fin de compte sa performance.

Qu’en pensez-vous ? Comment faites-vous pour avoir de l’oxygène dans vos journées ?

Photo by Julian Paolo Dayag on Unsplash

Références

Livre : Slow Business, de Pierre Moniz-Barreto

Article : Le temps juste, par Alexandre Thibault

Audio :